L’Hospitalité au service des parcours de vie

 côté du tout établissement ou du tout vivre à domicile, des réponses intermédiaires alternatives peuvent et doivent être proposées afin d’envisager un parcours de vie personnalisé et choisi. Elisabeth Zucman

Prendre en compte le parcours de vie de la personne accueillie

Le 104e chapitre provincial des Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu, qui s’est tenu en avril 2022 et dont le thème était « Sortir avec passion pour promouvoir l’hospitalité », a donné lieu à une série d’ateliers collaboratifs de réflexion et de travail sur différentes thématiques. Frères, collaborateurs et bénévoles ont ainsi pu échanger sur les réalités vécues dans chaque établissement et ouvrir le champ d’une réflexion commune sur les sujets d’avenir, notamment celui des parcours de vie des personnes accompagnées.
Cette belle émulation a permis ensuite aux Frères de Saint Jean de Dieu de voter les orientations capitulaires qui viendront nourrir les établissements pour les quatre années à venir. Citons ici l’orientation capitulaire, fruit du travail de l’atelier « Parcours de vie » : « Favoriser et valoriser le pouvoir d’agir de chaque personne accueillie en tournant résolument nos organisations vers une hospitalité holistique et novatrice de la personne dans le style et les valeurs Saint Jean de Dieu. »

Alors quel bilan tirer de la thématique « Parcours de vie », dont nous avons eu la chance d’animer l’atelier, Véronique Ducret, responsable de la plateforme Reliances d’appui aux parcours et de services inclusifs du Centre Lecourbe, Frère Marc Rakotozanany et moi-même ? Il convient de préciser ici que la pierre d’achoppement de nos réflexions était la personne accueillie. Nos questionnements se sont appuyés principalement sur trois piliers :

  • orienter nos organisations dans le sens de la construction du parcours de vie,
  • favoriser le « pouvoir d’agir » de la personne accueillie et
  • rêver les établissements de demain.

Nous allons tenter ici d’en dresser le récapitulatif tout au long de ce dossier.

Thomas Callies
Responsable d’unité au Centre Saint-Barthélemy

Orienter nos organisations

vers la construction du parcours de vie

Quels sont les moyens d’action ? Comment avancer concrètement sur le sujet ? De nombreuses idées ont été émises et ont nourri ce questionnement passionnant. Nous pouvons ici en dresser un aperçu.

Comment orienter nos organisations vers la construction du parcours
de vie ? Le point de départ de cette réflexion est la personne accueillie.
La singularité de chacun nous a fait souligner l’importance pour une organisation d’avoir une « agilité » et une ouverture dans son organisation. Cela pour permettre une prise en charge singulière et « sur mesure » de la personne et de vrais espaces de discussion pluridisciplinaires et de co-construction. Ici, une nécessité apparaît : avoir une organisation qui permet le temps de l’écoute, le temps de l’échange avec la personne accueillie, son entourage, ses aidants, et les professionnels.

La pluridisciplinarité dans la construction du parcours, des équipes d’entretien, aux soignants, aux animateurs, en passant par les psychologues, les éducateurs, les médecins, les frères, les aidants, les bénévoles, est revenue régulièrement au centre des discussions comme la condition d’une prise en charge holistique. Tous, collaborateurs, frères et partenaires extérieurs doivent pouvoir répondre aux besoins de la personne accueillie.

La formation à la prise en charge holistique, la prise en compte de tous
les acteurs de l’environnement de la personne accueillie, l’ouverture des établissements sur l’extérieur pour élargir nos périmètres d’action, les espaces éthiques sont autant d’outils possibles pour favoriser les prises d’initiative et l’autonomie, qui ne sont ni plus ni moins que la responsabilité, valeur phare de Saint Jean de Dieu.

Parcours de Vie - Le Croisic

Quand l’innovation donne du sens : un travail collaboratif

Développer des solutions utiles pour les autres nécessite la mobilisation de tous. Au sein de la Fondation Saint Jean de Dieu, la réflexion stratégique associe tous les collaborateurs. Cette mise en commun des expériences et des idées permet d’être en prise directe avec les besoins du terrain, d’alimenter les débats avec des éléments concrets. Cela favorise aussi l’innovation à tous les niveaux de l’organisation. Chercher plus d’efficacité au service de l’intérêt général donne aussi plus de sens au travail de chacun.

Mieux prendre en compte

« le pouvoir d’agir » de la personne accueillie dans le parcours de vie

Le « pouvoir d’agir », il s’agit d’une tentative de traduction française du terme anglais empowerment, qui signifie « donner à chacun l’autonomie, la liberté d’agir », et créer les conditions favorables à cette autonomie.

Le concept du « pouvoir d’agir » est concordant et complémentaire de la prise en charge holistique de la personne accueillie. C’est un concept dynamique qui nécessite des questionnements réguliers et interdisciplinaires autour de l’accompagnement. La personne accueillie est au centre de la construction et contribue à l’élaboration de son parcours de vie. Les discussions se sont appuyées sur quatre piliers : l’autonomisation de la personne accueillie, la mise en avant de sa capacité d’action, la perception de chacun comme un citoyen « acteur de sa vie » ainsi que l’adaptation des organisations actuelles pour favoriser l’inclusion de chacun dans les processus de décision le concernant.

Deux approches du soin

Un soin qui intègre l’humain et le spirituel

Avec le débat sur l’allongement de la vie ou de l’avenir du système hospitalier, la question du soin est à la mode.
À travers la problématique anglo-saxonne du care, philosophes, psychologues ou soignants s’emparent du sujet et même des hommes ou femmes politiques ne sont pas sans en parler. Le psychanalyste Jean-Guilhem Xerri ne se contente pas de donner une définition du soin, il met l’accent sur un enjeu de taille pour nos sociétés : soit le soin sera soumis à des contraintes purement économiques, au risque d’en laisser beaucoup de côté, soit il saura, sans irréalisme, intégrer la dimension humaine et spirituelle. Avec beaucoup de pédagogie et de clarté, Jean-Guilhem Xerri restitue les grandes évolutions et les enjeux du soin aujourd’hui, dans un monde de progrès technologiques très avancés où se font jour des besoins et des exigences nouvelles.

Le soin comme attention aux autres

Pour la philosophe Fabienne Brugère, le « prendre soin » ne réside pas seulement dans une relation dyadique, à travers laquelle une activité est réalisée dans un état affectif particulier avec une capacité à se soucier des autres. On ne saurait réduire le care à des relations entre des individus, mettant alors de côté la question des institutions de soin et des responsabilités collectives. La volonté des éthiques du care est, plus généralement, de « renouveler le problème du lien social par l’attention aux autres, le prendre soin, le soin mutuel, la sollicitude ou le souci des autres ».